LE NORMALIEN…
Au pas de la réforme et de la modernité.
Licenciés en lettres modernes françaises, licenciés en mathématiques, licenciés en géographie, licenciés en histoire, licenciés en biochimie, licenciés de droit, licenciés de physique, licenciés en informatique, licenciés en espagnol, licenciés en psychologie. Association d’étudiants ? Non. Candidats à un concours ? Ça semble coller mais non. Un indice ? Ils vont remplir la même fonction à l’avenir. Étudiants à l’école normale supérieure ? Vous brûlez. Deuxième indice ? Ils vont enseigner la même matière. Si, si. Etonnés ? Alors bienvenue au département d’informatique et technologies éducatives.
«D’horizons divers nous venons, une famille unie nous formons»
S’il y a un retard que l’Afrique et dont le Cameroun accusent, c’est celui de la technologie mieux encore du transfert de technologies et dont le développement multi-sectoriel en dépend. Du moins, l’on peut se réjouir des avancées notables que connait le continent. Observons de près cette éclosion idéologique et appétit technologiques que chérit le Cameroun.
Faire du Cameroun, un centre, une destination technologique, c’est l’enjeu des pouvoirs publics et de la plus haute institution qui, lors de son discours à la Nation le 31 décembre 2015, l’a encore réitéré avec emphase. Faire du Cameroun un pôle technologique et des Camerounais des citoyens du monde numérique telle est la vision que se définissent ces pouvoirs. L’analphabète du XXIesiècle n’étant plus celui qui ne sait plus lire ni écrire, il représente aujourd’hui celui qui est inapte à l’utilisation de l’outil informatique. C’est donc dans ce contexte que jaillît l’idée de former des enseignants afin d’impulser cette nouvelle dynamique à la jeune génération scolarisée et non scolarisée. Dès lors,naîtra à l’Ecole Normale Supérieur de Yaoundé le Département d’informatique et des technologies éducatives(DITE). L’idée étant de démystifier ce que l’Occident nous sert comme technologies, ce département se donne la mission de déconstruire ce qui était jusqu’ici perçu comme un mythe par les Africains afin de doter aux futurs enseignants dans le domaine des outils qui amèneront les enseigné à mieux s’approprier les enseignements et les techniques d’apprentissage. En créant ce département certains responsables s’étaient interrogés sur le profil du candidat ou du futur étudiant de ce département. Devrait-il avoir une filiation informatique ?
L’initiateur, le nommé professeur FOUDA Ndjodo Marcel s’inscrit en faux ; et pense plutôt que tout le monde peut apprendre l’informatique au Cameroun comme cela se fait ailleurs ; c’est ce qui fait la spécificité de ce département qui n’est pas comme les autres.Former des enseignants d’informatique venant de parcours aux antipodes du monde binaire c’est sa mission régalienne.L’idée étant de briser les barrières d’ordre psychologiques, disciplinaires, ethniques, raciales, etc., le département se fait un carrefour, un lieu de convergence des identités, des potentialités et du génie au service du développement d’où cette pensée inscrit au fronton de ce département « d’horizons diverses, nous venons, une famille, nous formons ». L’idée est non seulement de rattraper une civilisation technologique qui, jusque-là échappait à l’Afrique, mais de consolider l’unité sans laquelle aucune innovation n’est possible ; cela se vérifie d’ailleurs à travers les devoirs faits par les étudiants en groupes mixtes prenant en paramètres les atouts de chacun des membres, leur background ce qui favorise l’éclosion du génie et la recherche ; l’innovation étant incompatible avec l’esprit d’individualisme. Ne dit-on pas souvent qu’ « on a toujours besoin du plus petit que soi » pour se réaliser ? S’inscrivant dans cette perspective, l’individualisme est proscrit et l’esprit du groupe promu car les bonnes choses et la vérité jaillissent toujours du choc des idées.Tel semble être la démarche scientifique et le spirit du département informatique de l’Ecole Normale Supérieur de Yaoundé(ENS). Mais curieux seront les outsiders de savoir ce que font les étudiants de ce département d’enseignement aussi particulier qu’unique.
Nous avons fait un double sondage au niveau des étudiants nouvellement admis dans ce département au titre de l’année académique 2015-2016. Le premier sondage porte sur le choix de la filière. L’élève-professeur, Mpala justifie le choix de la filière en disant que « le soucis ou ma préoccupation majeure était d’avoir une formation professionnelle qui me permettrait à défaut de décrocher un emploi à la fonction publique, de frapper aux portes des grandes entreprises ». Vous êtes titulaire d’un Master 1 et rédigez votre mémoire depuis 2013 en lettres modernes françaises ; pourquoi n’avez-vous pas choisi de concourir en LMF ?
« Savez-vous ? J’ai toujours rêvé avoir une connaissance diversifiée pour éviter l’autarcie intellectuelle. En plus les technologies de l’information et de la communication m’ont toujours passionnée. Aller à l’aventure du monde virtuel, mieux maîtriser l’outil informatique tels sont mes mobiles ». Pensez-vous arriver ; vous qui avez fait sommairement les mathématiques au secondaire ?
« Si j’ai pu être devant les mathématiciens, les physiciens lors du concours, l’étape à suivre serait également à ma portée. Encore plus le Professeur Fouda nous rassure toujours que l’informatique n’est pas la mathématique car constate-t-il les informaticiens de souche et mathématiciens éprouvent les mêmes difficultés. J’ajouterais que je ne suis pas le premier lettré à suivre la formation dans ce département ; beaucoup y sont passés et ont fait leur preuve. Tout est possible. Un peu de discipline de soi, du travail et de l’abnégation et tout ira bien »
Le second sondage porte sur le contenu des programmes qui permet aux étudiants de remettre en cause leurs attentes qui, avant s’être frottés à la réalité ont réduit l’informatique à l’étude des éléments basiques de l’outil informatique (la bureautique). L’initiative ne se résume pas uniquement à l’enseignement ; il s’agit aussi de doter aux apprenants des outils leur permettant de faire face à un certain niveau des difficultés liées au domaine informatique : difficultés techniques et difficultés communicationnelles. A la question de savoir quelles sont les difficultés que vous rencontrez dans vos unités d’enseignement ? Nombre d’élèves-professeurs réagissent en pointant du doigt la dimension abstraite voire même magique de certaines de ces unités d’enseignements à l’instar de l’IN 403 dont l’intitulée est ‘’Type abstrait de données’’ ou encore la MA 459‘’Introduction au calcul symbolique avec MAPLE’’. Pour ces étudiants dont les connaissances de souche relèvent des sciences humaines, sociales, économiques, juridiques, des lettres, tout est obscure. Du moins, ils ont été préparé lors de leur accueil par le Département informatique non seulement à l’attente de ces difficultés, mais aussi à comment les solutionner. L’étudiant de la DITE doit comprendre que la collaboration est la clé qui gomme les frontières, la complexité. Il a alors pour principales ressources ses camarades. Les difficultés sont des bénédictions au service de sa formation. Il se doit de réaliser une vision qui s’incline en trois mots : une vie, un projet et un contrat. Il lui revient également de connaître son identité à travers la question « Qui suis-je ? ». Il doit donc savoir qu’il est un background, un acteur culturel, un acteur social, un projet d’avenir et une chance pour le développement du Cameroun.A la question de savoir comment réaliser son rêve ? Il a du potentiel et il lui faut du sacrifice. Il est capable de quoi ? De volonté, d’engagement et de leadership, d’engagement collectif, d’abandonner ou de reporter et d’affronter le défis.
Le DITE est somme toute une vitrine d’un Cameroun en miniature.
«D’horizons divers nous venons, une famille nous formons»
